ALLOCUTION DE Mgr KOMBO ( obseques de Mrg BATANTU 13 mai 2004 )

 

Allocution de Mgr Ernest Kombo à l’occasion des obsèques de Mgr Barthélemy Batantu

A l’adresse du doyen Batantu,

…. Alors à l’avance, je sollicite votre indulgence pour les lapsus éventuels qu’il pourrait y avoir. C’est loin d’une quelconque malveillance c’en serait pas.

Excellence, Chers confrères dans l’épiscopat, Eminence,

Pour camper brièvement la personnalité et l’œuvre du doyen Barthélemy Batantu, c’est au discours du premier président de la République du Congo Brazzaville, Fulbert Youlou que je me suis référé, à l’occasion du sacre du premier archevêque de Brazzaville, Théophile Mbemba.

A cette occasion, le président Fulbert Youlou disait : « l’Eglise, en devenant indigène, nous donne à espérer des lendemains meilleurs. Elle peut, sans peine, inculquer ses impératifs de l’au-delà ».

La religion apporte beaucoup aux civilisations dont elle s’efforce d’élever le regard au-dessus des contingences accidentelles. Aussi, doit-elle, davantage, s’adapter aux situations profanes pour mieux jouer son rôle civilisateur et faire entendre son message. C’est dans ce sens que le cardinal Suhard affirmait qu’il ne peut se faire de sérieux travail dans un milieu que par les hommes de ce milieu. « Similibus curantu ».

La religion n’est pas une chose faite, continue le président Fulbert Youlou, une chose en soi, somme une cathédrale ou une pyramide d’Egypte : la religion est un rapport : il y a la fixité dans ce rapport mais il y a aussi de la variabilité. Dieu ne change pas plus que lui-même. Mais sa vérité en nous a bien des manières d’être variable. Dans la mesure où nous progressons, elle progresse… Nous ne pouvons continuer à aimer le Christ sans le découvrir toujours davantage ».

Chers frères et sœurs en Christ, à cette ordination du premier archevêque du Congo Brazzaville, Théophile Mbemba, l’abbé Barthélemy Batantu dirigeait les chants. L’inculturation était déjà la préoccupation de l’heure et la collaboration entre l’Eglise et l’Etat était un souci réel. En ce doyen, s’achève une ère des pionniers, des fondateurs, des constructeurs, des créateurs. Aussi, pouvons-nous lui confier nos soucis, ne serait-ce que celui d’avoir sur ces différents fronts où, il a si bien œuvré des héritiers.

Son Excellence Monseigneur Barthélemy Batantu, notre doyen, en 42 ans d’épiscopat au Congo Brazzaville, vous êtes le 6ème à partir et le premier des 6 à avoir joui d’une retraite, signe de bénédiction, comme il arrive à tous les bons travailleurs. Oui, c’est une bénédiction d’avoir une retraite, dans sa profession. Mais vous êtes témoin que, aujourd’hui, les retraités sont maltraités. Et vous-même, vous en avez fait l’expérience qu’au Congo, il n’y a pas une maison pour accueillir les prêtres retraités ! Il n’y a pas de maison de résidence pour les évêques retraités. Ce qui fait que quand la retraite pointe à l’horizon, c’est l’angoisse ; on est aux abois. Vous en étiez et vous en êtes, le témoin. Témoin de 4 décennies durant, nous sommes en droit, nous vos cadets, de vous considérer maintenant comme notre messager.

1 – Vous direz à Monseigneur Théophile Mbemba que la vie religieuse au Congo demeure du côté masculin, languissante, du côté féminin, dans un brouillard étouffant ; les communautés nouvelles comme le pullulement des vierges consacrées ne sont pas encore une réponse satisfaisante aux besoins de l’Eglise et de la nation. Lui-même nous a laissés dans cette situation, et vous la connaissez en tant que fondateur mieux que nous vos cadets.

2 – Dites à Son Eminence le cardinal Emile Biayenda que le pays sombre toujours sous une nébuleuse de malédiction : après le sang du Christ Jésus, après son sacrifice à lui Biayenda, beaucoup d’autres victimes innocentes ont suivi sans assouvir la soif du pouvoir, sans entamer une réconciliation profonde et conséquente.

3 – Vous direz à Monseigneur Benoît Ngassongo, que nous ses cadets, nous sommes incapables d’enseigner et de construire des écoles comme lui. Nous venons de parler des enfants et des jeunes mais, avec des baratins.

4 – Dites à Monseigneur Godefroy Emile Poaty, sur le front de l’inculturation où vous avez œuvré ensemble, il n’y a pas d’héritiers, malgré la technologie et les ordinations qui nous encombrent dans nos bureaux. Sur le front des vocations sacerdotales qui était son souci primordial, nous sommes loin d’avoir des équipes pastorales soudées et efficaces. Nous avons oublié que la sainteté du prêtre passe par l’obéissance à son ordinaire.

5 – A Monseigneur Georges-Firmin Singha, dites, pour ses cadets que nous sommes, que l’Episcopat n’est pas encore considéré comme un service, mais comme un honneur, pour lequel malheureusement nous ne nous efforçons pas de nous qualifier.

Si au ciel, il y a un quartier des prélats, n’oubliez pas de saluer de notre part Monseigneur, nos aînés Denis Moussavou, Louis Badila, Noël Ognie.

Votre âge, votre expérience nous autorisent aussi de vous recommander le souci de la nation congolaise. Ici on aurait dû parler de trilogie déterminante ; entendons par là la coutume, l’Etat et la foi chrétienne, et vous en êtes vraiment le témoin. Un pont s’écroule, mais soyez ce pont Excellence Monseigneur Barthélemy Batantu.

Transmettez nos excuses et nos repentirs au président Fulbert Youlou. La jeunesse aux abois ne sait plus respecter les parents, grands-parents, oncles et tantes. Certains ont même des mains salies par le sang ; aidez-nous à obtenir le pardon et de Dieu et des ancêtres.

Monseigneur et cher Yaya, faites tout pour exorciser le pays. Aux présidents défunts Marien Ngouabi, Alphonse Massamba-Débat, dites que la violence demeure latente.

Est-ce que la concertation à notre niveau est possible pour nous suggérer les voies et moyens de suivre la devise de cette nation qui est de surcroît parfaitement évangélique : Unité- :-Travail- :-Progrès ? Nous comptons sur vous Yaya, l’Eglise et la nation congolaises ont soif d’amour, de paix, d’unité, comme Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, avec le président Alfred Raoul, nous n’allons pas vous dire « Yenda kia mbote wa wuma » . Nous allons vous demander d’intercéder et d’obtenir pour nous auprès de Jésus le Bon Pasteur, l’estime les uns des autres, l’ardeur à travailler comme vous nous avez laissé l’exemple.

Si les morts ne sont pas morts, comme l’attestent vos nombreuses créations, avec tous les ancêtres ici mentionnés, pour nos enfants et nos jeunes, introduisez-nous dans le train de la réconciliation totale et profonde.

Bon et courageux on l’a dit, vous l’avez été et démontré un jour en quittant votre lit de malade pour m’accompagner au tribunal, un piège que l’on me tendait, où le devoir de réserve qui me lie jusqu’à la mort m’aurait exposé à l’outrage au magistrat.

 

Votre bonté, votre générosité, maintenant, n’aura plus de limite pour bénéficier avec tous les anciens et les victimes innocentes, pour plaider la santé de l’Eglise et de la nation congolaises. C’est seulement en ce moment-là que nous dirons, allez en paix mais ne nous oublier pas, le travail demeure sur tous les fronts.

Amen !

 

 

VERITABLE REQUISITOIRE DE Mgr KOMBO contre le regime de brazzaville

Obsèques de Monseigneur Batantu. « Le Choc », journal proche du pouvoir, titre à sa UNE :

« Ernest Kombo nage dans la confusion du politique au religieux. »

 

Dans son éditorial, Asie Dominique de Marseille écrit :

« C’est tout effaré que le monde qui a assisté aux obsèques de Monseigneur Barthélemy Batantu a suivi l’homélie prononcée par Monseigneur Ernest Kombo. Un vrai, pur et dur réquisitoire politique, dit en franco-lari, aux dépens des chefs d’Etat qui ont dirigé le Congo. Le plus malheureux ce jour fut Denis Sassou Nguesso qui, croyant venu honorer de sa présence les obsèques de celui qu’il a toujours appelé « doyen », a reçu une douche magistralement dorée et savamment servie. Ernest Kombo n’est pas du tout passé par un chemin tortueux. Sans mettre des gants pour produire des gains, l’évêque s’est révélé au grand jour sous la toque d’un opposant politique qui se souffrait depuis longtemps dans son for intérieur. »

 

Ce jour marqua sans doute la fin de de Monseigneur Ernest Kombo par le Dictateur.

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